Décontenancés, Diderot et les
Libraires associés en appellent au gouvernement, invoquant le risque de
faillite ainsi que les avances déjà versées par les lecteurs. En guise de réponse, l'autorité
royale charge Malesherbes de calculer au plus juste les remboursements à
faire aux souscripteurs. En juillet 1759, le Conseil d'Etat rend donc un nouvel
arrêt, condamnant les Libraires à restituer une somme de 72 livres à chacun d'eux (environ 4000).
Désormais sûrs de leur fait, les
dévots paradent ouvertement, trop heureux
de voir leur adversaire un genou à terre. Dans une de ses critiques parues dans le Journal Encyclopédique (1759), Chaumeix laisse même exploser sa joie : "Que l'exemple que nous
donnent aujourd'hui les Auteurs d'un dictionnaire foudroyé par toutes les
puissances fasse connaître à ceux qui voudraient imiter ces Auteurs à quelle
peine ils s'exposent; et que ceux à qui Dieu a fait la grâce de connaître la
religion et d'y être attachés se consolent en voyant sur quelle base elle est
établie." Les Jésuites exultent eux aussi, comme d'autres rapaces qui ont flairé l'odeur du sang. Le journaliste Fréron et Le Franc de Pompignan, dont nous avons déjà parlé (voir ici), en sont les exemples les plus marquants.
Victimes de ce qu'ils estiment être une injustice, les libraires multiplient dans le même temps les plaintes auprès de Malesherbes, dont ils connaissent l'esprit de conciliation : "Si le nouvel arrêt était exécuté, nous nous trouverions condamnés à rendre plus qu'il ne nous reste... On ne nous reproche rien et cependant on nous traite, et pour la forme et pour le fond, comme des malfaiteurs... J'en appelle, Monsieur, à la bonté de votre coeur, qui m'est connue. Elle ne peut pas désapprouver la sensibilité aux humiliations accumulées." (lettre du libraire Durand, août 1759)
Victimes de ce qu'ils estiment être une injustice, les libraires multiplient dans le même temps les plaintes auprès de Malesherbes, dont ils connaissent l'esprit de conciliation : "Si le nouvel arrêt était exécuté, nous nous trouverions condamnés à rendre plus qu'il ne nous reste... On ne nous reproche rien et cependant on nous traite, et pour la forme et pour le fond, comme des malfaiteurs... J'en appelle, Monsieur, à la bonté de votre coeur, qui m'est connue. Elle ne peut pas désapprouver la sensibilité aux humiliations accumulées." (lettre du libraire Durand, août 1759)
"L'arrêt du 21 juillet met notre société dans un labyrinthe dont je ne vois pas l'issue. Il est physiquement inexécutable ; et s'il devait avoir lieu pour un seul souscripteur, mille et davantage pourraient se présenter. Il n'y aurait pas alors d'autres moyens de garantir la société d'une ruine certaine que d'abandonner tout..." (lettre du libraire David, août 1759)
Dans cette période cruciale, il convient d'ailleurs de souligner le rôle essentiel de Malesherbes, sans doute l'un des plus éminents représentants de cette noblesse libérale qui, au détour du siècle, sut s'affranchir des réflexes d'obéissance à l'autorité pour privilégier l'intérêt commun et l'avancée des idées. Au cours de cet été 1759, alors que le matériel de Diderot est sur le point d'être saisi, Malesherbes propose au directeur de l'Encyclopédie de le déménager chez lui afin de le mettre à l'abri. Puis, en évitant d'ébruiter l'arrêt du 21 juillet, il choisit de laisser les souscripteurs dans l'ignorance de la crise. Dans un mémoire adressé au Conseil et datant de 1770, on apprend en l'occurrence qu'"aucun souscripteur ne se présenta pour recevoir le remboursement de 72 livres. Le public désirait et espérait la continuation de l'Encyclopédie."
Malesherbes |
Dans cette période cruciale, il convient d'ailleurs de souligner le rôle essentiel de Malesherbes, sans doute l'un des plus éminents représentants de cette noblesse libérale qui, au détour du siècle, sut s'affranchir des réflexes d'obéissance à l'autorité pour privilégier l'intérêt commun et l'avancée des idées. Au cours de cet été 1759, alors que le matériel de Diderot est sur le point d'être saisi, Malesherbes propose au directeur de l'Encyclopédie de le déménager chez lui afin de le mettre à l'abri. Puis, en évitant d'ébruiter l'arrêt du 21 juillet, il choisit de laisser les souscripteurs dans l'ignorance de la crise. Dans un mémoire adressé au Conseil et datant de 1770, on apprend en l'occurrence qu'"aucun souscripteur ne se présenta pour recevoir le remboursement de 72 livres. Le public désirait et espérait la continuation de l'Encyclopédie."
Par sa décision, Malesherbes évite donc la faillite des Libraires associés. Dans ce moment difficile, et plus tard également (songeons à son sacrifice lors du procès de Louis XVI), Malesherbes a révélé le visage rare d'un honnête homme. Rendons-lui du moins cet hommage...
(à suivre ici)
(à suivre ici)
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