samedi 20 juin 2015

Thérèse philosophe (2)

Roman pornographique (souvent attribué au marquis d'Argens) distribué clandestinement en 1748, Thérèse philosophe connut un succès considérable dans la France des Lumières.
Agée de 25 ans, la narratrice vient d'être retirée du couvent. On lui présente alors le père Dirrag et de Mlle Eradice, l'une de ses pénitentes. Un matin, elle assiste, cachée dans le cabinet, à un exercice spirituel.
***
Mlle Éradice obéit aussitôt sans répliquer. Elle se mit à genoux sur un prie-Dieu, un livre devant elle ; puis, levant ses jupes et sa chemise jusqu’à la ceinture, elle laissa voir des fesses blanches comme la neige et d’un ovale parfait, soutenues de deux cuisses d’une proportion admirable. « Levez plus haut votre chemise, lui dit-il : elle n’est pas bien ; là, c’est ainsi. Joignez présentement les mains et élevez votre âme à Dieu ; remplissez votre esprit de l’idée du bonheur éternel qui vous est promis. » Alors le Père approcha un tabouret sur lequel il se mit à genoux derrière et un peu à côté d’elle. Sous sa robe, qu’il releva et qu’il passa dans sa ceinture, était une grosse et longue poignée de verges, qu’il présenta à baiser à sa pénitente.
Attentive à l’événement de cette scène, j’étais remplie d’une sainte horreur ; je sentais une sorte de frémissement que je ne puis décrire. Éradice ne disait mot. Le Père parcourait, avec des yeux pleins de feu, les fesses qui lui servaient de perspective ; et comme il avait ses regards fixés sur elles, j’entr’ouis qu’il disait à basse voix, d’un ton d’admiration : « Ah ! la belle gorge ! Quels tétons charmants ! » Puis il se baissait, se relevait par intervalles, en marmottant quelques versets ; rien n’échappait à sa lubricité. Après quelques minutes, il demanda à sa pénitente si son âme était entrée en contemplation. « Oui, mon très révérend Père, lui dit-elle ; je sens que mon esprit se détache de la chair, et je vous supplie de commencer le saint œuvre. — Cela suffit, reprit le Père, votre esprit va être content. » Il récita encore quelques prières, et la cérémonie commença par trois coups de verges qu’il lui appliqua assez légèrement sur le derrière. Ces trois coups furent suivis d’un verset qu’il récita, et successivement de trois autres coups de verges, un peu plus forts que les premiers.

Après cinq ou six versets récités et interrompus par cette sorte de diversion, quelle fut ma surprise, lorsque je vis le Père Dirrag, déboutonnant sa culotte, donner l’essor à un trait enflammé qui était semblable à ce serpent fatal qui m’avait attiré les reproches de mon ancien directeur ! Ce monstre avait acquis la longueur, la grosseur et la fermeté prédites par le capucin ; il me faisait frissonner. Sa tête rubiconde paraissait menacer les fesses d’Éradice, qui étaient devenues du plus bel incarnat ; le visage du Père était tout en feu. « Vous devez être présentement, dit-il, dans l’état le plus parfait de contemplation : votre âme doit être détachée des sens. Si ma fille ne trompe pas mes saintes espérances, elle ne voit plus, n’entend plus, ne sent plus. »
Dans ce moment, ce bourreau fit tomber une grêle de coups sur toutes les parties du corps d’Éradice qui étaient à découvert. Cependant elle ne disait mot, elle semblait être immobile, insensible à ces terribles coups, et je ne distinguais simplement dans elle qu’un mouvement convulsif de ses deux fesses, qui se serraient et se desserraient à chaque instant. « Je suis content de vous, lui dit-il après un quart d’heure de cette cruelle discipline ; il est temps que vous commenciez à jouir du fruit de vos saints travaux ; ne m’écoutez pas, ma chère fille, mais laissez-vous conduire : prosternez votre face contre terre : je vais, avec le vénérable cordon de saint François, chasser tout ce qui reste d’impur au dedans de vous. »
Le bon Père la plaça, en effet, dans une attitude humiliante à la vérité, mais aussi la plus commode à ses desseins. Jamais on ne l’a présenté plus beau : ses fesses étaient entr’ouvertes, et on découvrait en entier la double route des plaisirs.
Après un instant de contemplation de la part du cafard, il humecta de salive ce qu’il appelait le cordon, et en proférant quelques paroles, d’un ton qui sentait l’exorcisme d’un prêtre qui travaille à chasser le diable du corps d’un démoniaque, Sa Révérence commença son intromission.
J’étais placée de manière à ne pas perdre la moindre circonstance de cette scène ; les fenêtres de la chambre où elle se passait faisaient face à la porte du cabinet dans lequel j’étais renfermée. Éradice venait d’être placée à genoux sur le plancher, les bras croisés sur le marchepied de son prie-Dieu, et la tête appuyée sur ses bras ; sa chemise, soigneusement relevée jusqu’à la ceinture, me laissait voir, à demi-profil, des fesses et une chute de reins admirables. Cette luxurieuse perspective fixait l’attention du très révérend Père, qui s’était mis lui-même à genoux, les jambes de sa pénitente placée entre les siennes, ses culottes basses, son terrible cordon à la main, marmottant quelques mots mal articulés.
Il resta pendant quelques instants dans cette édifiante attitude, parcourant l’autel avec des regards enflammés, et paraissant indécis sur la nature du sacrifice qu’il allait offrir. Deux embouchures se présentaient, il les dévorait des yeux, embarrassé sur le choix : l’une était un friand morceau pour un homme de sa robe, mais il avait promis du plaisir, de l’extase à sa pénitente ; comment faire ? Il osa diriger plusieurs fois la tête de son instrument sur la porte favorite à laquelle il heurtait légèrement ; mais enfin la prudence l’emporta sur le goût, je lui dois cette justice. Je vis distinctement le rubicond priape de Sa Révérence enfiler la route canonique, après avoir entr’ouvert délicatement les lèvres vermeilles avec le pouce et l’index de chaque main.

Ce travail fut d’abord entamé par trois vigoureuses secousses qui en firent entrer près de la moitié ; alors, tout à coup, la tranquillité apparente du Père se changea en une espèce de fureur. Quelle physionomie ! Ah Dieu ! Figurez-vous un satyre, les lèvres chargées d’écume, la bouche béante, grinçant parfois les dents, soufflant comme un taureau qui mugit : ses narines étaient enflées et agitées ; il soutenait ses mains élevées à quatre doigts de la croupe d’Éradice, sur laquelle on voyait qu’il n’osait les appliquer pour y prendre un point d’appui ; ses doigts écartés étaient en convulsion, et se formaient en pattes de chapon rôti. Sa tête était baissée et ses yeux étincelants restaient fixés sur le travail de la cheville ouvrière, dont il compassait les allées et les venues de manière que, dans le mouvement de rétroaction, elle ne sortît pas de son fourreau, et que, dans celui de l’impulsion, son ventre n’appuyât pas au ventre de la pénitente, laquelle, par réflexion, aurait pu deviner où tenait le prétendu cordon. Quelle présence d’esprit !
Je vis qu’environ la longueur d’un travers de pouce du saint instrument fut constamment réservée au dehors et n’eut pas de part à la fête. Je vis qu’à chaque mouvement que le croupion du Père faisait en arrière, par lequel le cordon se retirait de son gîte jusqu’à la tête, les lèvres de la partie d’Éradice s’entr’ouvraient et paraissaient d’un incarnat si vif qu’elles charmaient la vue. Je vis que, lorsque le Père, par un mouvement opposé, poussait en avant, ces mêmes lèvres, dont on ne voyait plus alors que le petit poil noir qui les couvrait, serraient si exactement la flèche, qui y semblait comme engloutie, qu’il eût été difficile de deviner auquel des deux acteurs appartenait cette cheville par laquelle ils paraissaient l’un et l’autre également attachés.
Quelle mécanique ! quel spectacle, mon cher comte, pour une fille de mon âge, qui n’avait aucune connaissance de ce genre de mystère ! Que d’idées différentes me passèrent dans l’esprit, sans pouvoir me fixer à aucune ! Il me souvient seulement que vingt fois je fus sur le point de m’aller jeter aux genoux de ce célèbre directeur, pour le conjurer de me traiter comme mon amie. Était-ce mouvement de concupiscence ? C’est ce qu’il m’est encore impossible de pouvoir bien démêler.
Revenons à nos acolytes. Les mouvements du Père s’accélérèrent ; il avait peine à garder l’équilibre. Sa posture était telle qu’il formait à peu près, de la tête aux genoux, un S, dont le ventre allait et venait horizontalement aux fesses d’Éradice. La partie de celle-ci, qui servait de canal à la cheville ouvrière, dirigeait tout le travail ; et deux énormes verrues qui pendaient entre les cuisses de Sa Révérence semblaient en être comme les témoins. « Votre esprit est-il content, ma petite sainte ? dit-il en poussant une sorte de soupir. Pour moi, je vois les cieux ouverts ; la grâce suffisante me transporte ; je… »

« Ah ! mon Père, s’écria Éradice, quel plaisir m’aiguillonne ! Oui, je jouis du bonheur céleste ; je sens que mon esprit est entièrement détaché de la matière : chassez, mon Père, chassez tout ce qui reste d’impur dans moi. Je vois… les… an…ges ; poussez plus avant… poussez donc… Ah !… ah !… bon… saint François !… ne m’abandonnez pas ; je sens le cor… le cor… le cordon… Je n’en puis plus… je me meurs !… »

(à suivre)

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