Roman pornographique (souvent attribué au marquis d'Argens) distribué clandestinement en 1748, Thérèse philosophe connut un succès considérable dans la France des Lumières.
Agée
de 25 ans, la narratrice vient d'être retirée du couvent. Cachée dans une pièce voisine, elle a assisté aux ébats amoureux du père Dirrag et de sa pénitente, Mlle Eradice.
***
J’ai dit que, dès que le Père Dirrag fut sorti de la chambre de Mlle
Éradice, je me retirai chez moi. Dès que je fus rentrée dans ma
chambre, je me prosternai à genoux pour demander à Dieu la grâce d’être
traitée comme mon amie. Mon esprit était dans une agitation qui
approchait de la fureur ; un feu intérieur me dévorait. Tantôt assise,
tantôt debout, souvent à genoux, je ne trouvais aucune place qui pût me
fixer. Je me jetai sur mon lit. L’entrée de ce membre rubicond dans la
partie de Mlle
Éradice ne pouvait sortir de mon imagination, sans que j’y attachasse
cependant aucune idée distincte de plaisir, et encore moins de crime. Je
tombai, enfin, dans une rêverie profonde, pendant laquelle il me sembla
que ce même membre, détaché de tout autre objet, faisait son entrée
dans moi par la même voie.
Machinalement, je me plaçai dans la même attitude que celle où
j’avais vu Éradice, et machinalement encore, dans l’agitation qui me
faisait mouvoir, je me coulai sur le ventre jusqu’à la colonne du pied
du lit, laquelle, se trouvant passée entre mes jambes et mes cuisses,
m’arrêta et servit de point d’appui à la
partie où je sentais une démangeaison inconcevable. Le coup qu’elle
reçut par la colonne qui la fixa me causa une légère douleur, qui me
tira de ma rêverie, sans diminuer l’excès de ma démangeaison. La
position où j’étais exigeait que je levasse mon derrière pour tâcher
d’en sortir ; de ce mouvement que je fis en remontant et coulant ma moniche
(ndlr : sexe féminin) le long de la colonne, il résulta un frottement qui me causa un
chatouillement extraordinaire. Je fis un second mouvement, puis un
troisième, etc., qui eurent une augmentation de succès : tout à coup
j’entrai dans un redoublement de fureur ; sans quitter ma situation,
sans faire aucune espèce de réflexion, je me mis à remuer le derrière
avec une agilité incroyable, glissant toujours le long de la salutaire
colonne. Bientôt un excès de plaisir me transporta, je perdis
connaissance, je me pâmai et m’endormis d’un profond sommeil.
Au bout de deux heures je m’éveillai, toujours ma chère colonne entre
mes cuisses, couchée sur mon ventre, mes fesses découvertes. Cette
posture me surprit ; je ne me souvenais de ce qui s’était passé que
comme on se rappelle le tableau d’un songe. Cependant, me trouvant plus
tranquille, l’évacuation de la céleste rosée me laissant l’esprit plus
libre, je fis quelques réflexions sur tout ce que j’avais vu chez
Éradice et sur ce qui venait de se passer dans moi, sans en pouvoir
tirer aucune conclusion raisonnable. La partie qui avait été frottée le
long de la colonne, ainsi que l’intérieur du haut de mes cuisses qui
l’avait embrassée, me faisait un mal cruel ; j’osai y regarder malgré
les défenses qui m’avaient été faites par mon ancien directeur de
couvent ; mais je n’osai me déterminer à y porter la main : cela m’avait
été trop expressément interdit.
(à suivre)
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