Si Madame de Pompadour suscita bien des haines, celle que lui vouait le Marquis d'Argenson fut particulièrement mordante.
Voici, année par année (ici, les premiers mois de l'année 1749), ce qu'il rapporta d'elle dans son journal.
(lire l'article précédent ici)
Janvier 1749-
La marquise maigrit et devient à rien ; enfin l'on voit, dans cette manière de combat à mort, que toute la raison est du côté du Richelieu, et toute la mauvaise cause du côté de la dame et de son parti. Elle contient la mauvaise paix, les mauvais négociateurs, les financiers de crédit sans économie, le désordre, les grâces qui culbutent le royaume, la honte du règne de laisser le monarque gouverné à la baguette par une telle donzelle. (...)
Le maréchal de Richelieu continue à avoir tout l'air d'un favori à la cour. Le roi a avec lui des entretiens continuels et s'y confie ; la maîtresse enrage et maigrit.
Le maréchal de Richelieu continue à avoir tout l'air d'un favori à la cour. Le roi a avec lui des entretiens continuels et s'y confie ; la maîtresse enrage et maigrit.
J'ai été hier à Versailles, et j'ai appris plusieurs choses des
intrigues de cour.
M.
de Richelieu est trop attaché à la bagatelle du théâtre, des ballets ; ses
affaires commencent à mal aller. On dit qu'il s'est conduit comme un fol ; il
est trop déclaré contre la maîtresse, et celle-ci reprend le dessus. On la
regarde comme aussi forte et plus forte que feu le cardinal de Fleury dans le
gouvernement. Malheur à qui ose se buter aujourd'hui contre elle ! (...)
Le roi demanda l'autre jour à M. de
Richelieu, à son débotté, combien il avait été de fois à la Bastille. « Trois
fois » dit le maréchal.
Le
duc de Richelieu et son crédit sont absolument coulés à
fond, on ne l'écoute plus sur rien au monde, et, son ton continuant d'être
élevé avec la marquise, il a d'autant moins de crédit auprès du roi, de sorte
que voilà un moyen de rectifier les affaires absolument écroulé
Février 1749- Les vers répandus
contre la marquise de Pompadour, et que le roi a vus, où elle est traitée de
femme obscure, de femme de rien, ces vers qui ont été probablement
commandés par le ministère, ont fait un terrible effet contre cette dame. (ndlr : voir ci-dessous)
M. Berryer, lieutenant de police, passant
il y a quelques jours dans la galerie de Versailles, plusieurs de nos petits
maîtres des cabinets l'assaillirent, et lui demandèrent quand donc il voulait
faire cesser toutes les chansons horribles et vers qui couraient contre le roi (...) M. Berryer leur répondit : « Je connais Paris autant qu'on le
puisse connaître, mais je ne connais point Versailles. » Ils
s'éclipsèrent tous (On suspecta très rapidement Maurepas, alors en charge de la marine, d'en être l'inspirateur, et même de les avoir écrites)
Il y aurait un expédient à cela, qui serait
d'élever la marquise à un plus haut rang, de lui donner un appartement plus
décent que celui qu'elle a, de ne la voir qu'avec la même dignité que Louis XIV
voyait Mme de Montespan, et surtout de ne lui communiquer aucune affaire;
ainsi, élevant sa dignité, il diminuerait son influence sur les affaires si
justement odieuse. Si le roi était bien conseillé, il remplacerait ce pouvoir
de la marquise, des cabinets et des ministres par un premier ministre (...)
Mars 1749-
(...) elle a en effet plus d'affaires
et plus d'autorité que n'en a jamais eu le cardinal de Fleury. Elle obsède le
roi continuellement, elle le secoue, elle l'agite, elle ne le laisse pas un
moment à lui-même. Ci-devant, il travaillait quelques heures dans son cabinet;
aujourd'hui, elle ne le laisse pas un quart d'heure seul : elle dit que c'est
pour le bien de sa santé, pour le détourner de pensées tristes; mais c'est bien
davantage pour lui ôter toute idée de changer son ministère et de pourvoir au
gouvernement par lui-même, ce qui est le plus grand mal qu'on puisse faire au
royaume.
On assure que Mme de Pompadour va
être renvoyée, et que le roi veut faire ses pâques à ces fêtes-ci, voulant
recourir à Dieu dans la détresse où est son royaume. Le ministère en a grande
joie, et croit qu'il va dominer et rapiner plus que jamais. Il est vrai que les
opéras et amusements de Mme de Pompadour vont toujours leur train, et que le
roi y fait des bâillements affreux. Au dernier opéra, c'était une confusion et
une foule de monde à tout rompre. On a raison de dire comme la chanson, que la
marquise a fait de la cour un taudis.
Tout ce qui arrive de
Versailles assure que les amours pour la marquise de Pompadour finissent, et
que son règne va passer ; elle est dans des pleurs continuels. On ajoute qu'elle
s'est brouillée absolument avec MM. Pâris, et que ceux-ci perdent leur crédit à
la cour, qu'ils sont dans de grandes avances. En attendant, on dit que la
marquise et sa cousine, la comtesse d'Estrades, redoublent de pillage ; elles
réalisent, elles achètent tous les diamants, tous les bijoux de France.
![]() |
la comtesse d'Estrades |
Avril 1749-
Il est bruit plus que jamais de
la disgrâce de Mme de Pompadour (...)
Je suis à la
campagne; il m'arriva hier au soir un exprès avec une lettre, portant que M. de
Maurepas avait eu son congé le matin (...)
On m'écrit de
Paris, que M. de Maurepas vient d'être exilé à Bourges (...)
On nous dit que c'est pour
irrévérence envers le roi, que ce ministre est disgracié comme ayant été dans
la confidence de ces horribles chansons qui ont couru contre Sa Majesté.
Certes, la clique des ministres voulant dégoter la marquise de Pompadour était
charmée de ces chansons qui dégoûtaient le roi de la vie qu'il mène. On
conjecture donc que c'est pour crime grave, personnel au roi, indignité,
étourderie, indiscrétion, et la douceur du règne et du monarque veut qu'un
simple exil dans une assez jolie ville soit aujourd'hui tout le supplice qui se
décerne à des fautes si capitales. Il est vrai que l'on ne renvoie pas
aujourd'hui les ministres pour les grands défauts, ni pour les grandes fautes,
mais pour les bagatelles personnelles et qui ne font rien ou peu à l'État.
Mai 1749-
M. de Richelieu a
l'air de la plus grande faveur depuis la disgrâce de M. de Maurepas, la
maîtresse aussi ; la réconciliation du favori avec la favorite est entière,
cordiale et édifiante ; mon frère est en tiers dans cette amitié (le comte d'Argenson) ; on lui
attribue la plus grande partie de cette disgrâce, aussi en profite-t-il : il a
le département de Paris, les académies, l'imprimerie royale, le guet, les
spectacles, la bibliothèque et les haras;
Une quinzaine avant sa disgrâce, M. de Maurepas reçut visite de
la marquise de Pompadour et de la comtesse d'Estrades. La première lui dit : «
On ne dira pas que j'envoie chercher les ministres, je les viens chercher »
puis : « Quand saurez-vous donc les auteurs des chansons ?
–
Quand je le saurai, madame, je le dirai au roi –Vous faites,
monsieur, peu de cas des maîtresses du roi. » M. de Maurepas repartit : « Je
les ai toujours respectées, de quelque espèce qu'elles soient. » Sur
cela, l'on s'est séparé. A la dernière chasse, le roi fit monter M. le Dauphin
avec lui dans son carrosse à deux ; Sa Majesté lui demanda ce qu'il avait pensé
du renvoi de M. de Maurepas; M. le Dauphin lui dit qu'il n'y pensait plus. Le
roi dit : « Dans quelques années, je vous montrerai mes raisons et mes preuves
: il est bien heureux que je n'aie fait que l'exiler; il y avait de quoi aller
bien plus loin, il ne le doit qu'à ma clémence. »
Mme de Pompadour est mieux que jamais près
du roi, se donnant pour l'adorer de plus en plus.
(à suivre ici)
Lâche dissipateur des biens de tes sujets,
Toi qui comptes les jours par les maux que tu fais,
Esclave d'un ministre et d'une femme avare,
Louis, apprends le sort que le ciel te prépare.
Si tu fus quelque temps l'objet de notre amour,
Tes vices n'étaient pas encor dans tout leur jour.
Tu verras chaque instant ralentir notre zèle,
Et souffler dans nos cœurs une flamme rebelle.
De guerres sans succès fatiguant les États,
Tu fus sans généraux, tu seras sans soldats.
Toi que l'on appelait l'arbitre de la terre,
Par de honteux traités tu termines la guerre.
Parmi ces histrions qui règnent avec toi,
Qui pourra désormais reconnaître son roi ?
Tes trésors sont ouverts à leurs folles dépenses ;
Ils pillent tes sujets, épuisent tes finances,
Moins pour renouveler tes ennuyeux plaisirs
Que pour mieux assouvir leurs infâmes désirs.
Ton État aux abois, Louis, est ton ouvrage ;
Mais crains de voir bientôt sur toi fondre l'orage :
Des maux contagieux empoisonnent les airs,
Tes campagnes bientôt deviennent des déserts ;
La désolation règne en toutes tes villes.
Tu ne trouveras plus des âmes assez viles
Pour oser célébrer tes prétendus exploits,
Et c'est pour t'abhorrer qu'il reste des François.
Aujourd'hui l'on t'élève en vain une statue;
A ta mort, je la vois par le peuple abattue.
Bourrelé de remords, tu descends au tombeau ;
La superstition dont le pâle flambeau
Rallume dans ton cœur une peur mal éteinte
Te suit, t'ouvre l'enfer, seul objet de ta crainte;
Tout t'abandonne enfin, flatteurs, maîtresse, enfants :
lJn tyran à la mort n'a plus de courtisans !
Toi qui comptes les jours par les maux que tu fais,
Esclave d'un ministre et d'une femme avare,
Louis, apprends le sort que le ciel te prépare.
Si tu fus quelque temps l'objet de notre amour,
Tes vices n'étaient pas encor dans tout leur jour.
Tu verras chaque instant ralentir notre zèle,
Et souffler dans nos cœurs une flamme rebelle.
De guerres sans succès fatiguant les États,
Tu fus sans généraux, tu seras sans soldats.
Toi que l'on appelait l'arbitre de la terre,
Par de honteux traités tu termines la guerre.
Parmi ces histrions qui règnent avec toi,
Qui pourra désormais reconnaître son roi ?
Tes trésors sont ouverts à leurs folles dépenses ;
Ils pillent tes sujets, épuisent tes finances,
Moins pour renouveler tes ennuyeux plaisirs
Que pour mieux assouvir leurs infâmes désirs.
Ton État aux abois, Louis, est ton ouvrage ;
Mais crains de voir bientôt sur toi fondre l'orage :
Des maux contagieux empoisonnent les airs,
Tes campagnes bientôt deviennent des déserts ;
La désolation règne en toutes tes villes.
Tu ne trouveras plus des âmes assez viles
Pour oser célébrer tes prétendus exploits,
Et c'est pour t'abhorrer qu'il reste des François.
Aujourd'hui l'on t'élève en vain une statue;
A ta mort, je la vois par le peuple abattue.
Bourrelé de remords, tu descends au tombeau ;
La superstition dont le pâle flambeau
Rallume dans ton cœur une peur mal éteinte
Te suit, t'ouvre l'enfer, seul objet de ta crainte;
Tout t'abandonne enfin, flatteurs, maîtresse, enfants :
lJn tyran à la mort n'a plus de courtisans !
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