mercredi 26 mars 2014

La légende de Jean-Jacques Rousseau, par Frédérika Mac Donald (3)

En 1909, l'Anglaise Frédérika Mc Donald fut la première à dépouiller les manuscrits originaux de l'Histoire de Madame de Montbrillant, roman autobiographique écrit par Louise d'Epinay à partir de 1756.
Recoupant les cahiers conservés aux Archives nationales avec ceux déposés à la bibliothèque de l'Arsenal, elle révéla le complot ourdi par les proches de Mme d'Epinay pour perdre la réputation de Rousseau.

Les lignes qui suivent sont extraites de La légende de Jean-Jacques Rousseau, ouvrage de F. Mc Donald paru en 1909.

 
Louise d'Epinay

Quels étaient donc les véritables auteurs de ces Notes ? On peut le deviner facilement, d’après le but qu’elles révèlent. Ce but n’est pas de glorifier Mme d’Epinay sous les traits de Mme de Montbrillant, ni de la disculper des accusations de trahison formulées contre elle par Rousseau dans les Confessions. Ce but est de glorifier Grimm et Diderot sous les noms de Volx et Garnier, de renouveler contre Rousseau les mêmes diffamations répandues par la Correspondance Littéraire et rapportées secrètement dans les Tablettes de Diderot (….) En tranchant ainsi la question, nous ne nous appuyons pas seulement sur des arguments, mais sur des preuves évidentes, positives. Dans les Notes écrites par Mme d’Epinay l’on trouve consignées des additions et des altérations aux instructions originales, et ces altérations sont de l’écriture de Diderot ! (…)

Il nous reste à résumer ce que la découverte et l’étude comparée de ces manuscrits apportent de nouveau pour l’étude critique de la personnalité de Jean-Jacques.

Et tout d’abord en ce qui concerne les Mémoires de Mme d’Epinay ; il est prouvé que cet ouvrage – accepté par la critique actuelle comme fournissant le récit fait par Mme d’Epinay de la querelle de Rousseau et de ses anciens amis, et comme apportant le témoignage à opposer aux déclarations de l’auteur des Confessions – ne renferme pas l’histoire originale de Mme d’Epinay. Le manuscrit de l’Arsenal et des Archives montre que le roman original fut « récrit dès le commencement », conformément à un plan dicté à Mme d’Epinay par Grimm et Diderot. (…) En d’autres termes, toute l’argumentation tirée de la prétendue concordance entre les relations de la conduite de Rousseau par Mme d’Epinay d’une part et les Encyclopédistes de l’autre, ne tient pas debout ; il est prouvé que tous les jugements basés sur la croyance et la véracité essentielle des Mémoires ne s’appuient que sur des fondements faux.

Pour ce qui regarde, d’autre part, la conspiration contre Rousseau, il est prouvé que cette conspiration exista.

Les différents manuscrits de l’ouvrage posthume de Mme d’Epinay et l’histoire de ces documents nous aident à découvrir l’instrument soigneusement ajusté par les conspirateurs pour transmettre à la postérité leur portrait faux de l’homme qu’ils détestaient.

Ici également l’argumentation, réfutée par l’évidence qui résulte de ces documents, n’a plus ni valeur, ni raison d’être. Il n’est plus permis, en présence de cette évidence de regarder comme « extravagante » ou « improbable » l’idée que des hommes, dans la position de Grimm et de Diderot, auraient eu l’intention maligne ou auraient pris la peine de conspirer délibérément contre Rousseau, dans le but de lui édifier une réputation entièrement fausse.

Il est prouvé au contraire qu’ils eurent cette malignité et qu’ils prirent cette peine.

Tout ceci établi, la question n’est plus de discuter si l’hypothèse d’un complot est vraisemblable ou, au contraire, absurde. Mais il s’agit d’examiner les instruments dont les conspirateurs se sont servis, l’usage qu’ils en ont fait et le plan qu’ils ont suivi.

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